Caravage, un coup de fouet

Le musée des Beaux-Arts de Rouen conserve depuis 1955 La Flagellation du Christ à la colonne peinte par Caravage vers 1606-1607, lors de son premier séjour à Naples. Acquise sur le marché de l’art parisien sous une attribution à Mattia Preti, l’oeuvre est rendue au maître peu après par Roberto Longhi. Elle est reconnue depuis comme l’un des chefs-d’oeuvre du peintre. Alors que le museo e Real Bosco di Capodimonte consent le prêt exceptionnel de l’autre tableau de l’artiste peint à Naples sur le même sujet, le musée des Beaux-Arts de Rouen s’applique à réétudier ces deux oeuvres en s’attachant à leur traitement du thème. Conçue sous une forme ramassée, l’exposition Caravage, un coup de fouet entend éclairer et élargir cette confrontation entre les deux Flagellations du peintre en les rapprochant d’une dizaine d’autres oeuvres de même sujet, par ses disciples, ses rivaux et quelques-uns de ses héritiers du XVIIe siècle.
S’il est aujourd’hui possible de reconstituer presque au jour le jour le périple du Caravage entre le meurtre tragique de Ranuccio Tomassoni qui entraîne sa fuite de Rome en mai 1606 et son arrivée à Naples après un passage dans le Latium sur le fief des Colonna, les incertitudes qui entourent cette période cruciale restent nombreuses. L’exposition Caravaggio Napoli, présentée au museo di Capodimonte au printemps 2019, et le colloque qui a fait suite en janvier 2020 ont permis de faire le point sur la phase napolitaine de la carrière du peintre et sur l’impact considérable de son séjour dans la ville.
Par-delà le drame, les recherches récentes mettent en évidence la continuité entre la période romaine et l’époque du séjour du Caravage à Naples. On y retrouve les mêmes noms de commanditaires ou de collectionneurs, d’Ottavio Costa à Vincenzo Gonzaga ou à Scipione Borghese. Ces échanges se prolongent d’ailleurs lors des déplacements du peintre, de Naples à Malte, puis en Sicile.
L’histoire fascinante mais incomplète de La Flagellation de Rouen s’inscrit dans ce contexte, marqué par l’affirmation d’un style forgé dans la cité papale, mais traversé aussi par un désir ardent et brutal de renouvellement. Elle procède d’une reformulation essentielle des codes de la peinture narrative qui interroge notamment la relation entre l’espace du tableau et son prolongement idéal…
Informations : Musée des Beaux-Arts de Rouen